La situation des migrants dans le Calaisis

La situation des migrants dans le Calaisis. Le rapport Aribaud-Vignon au Ministre de l’Intérieur : « Le pas d’après », juin 2015.

Sommaire

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Le 27 août 2014, M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, a confié une mission à MM. Jean Aribaud, Préfet honoraire, et Jérôme Vignon, Président de l’observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, afin d’« élaborer, en lien avec l’ensemble des acteurs concernés, des solutions consensuelles et efficaces à la crise migratoire que connaît depuis plus de vingt ans cette région ». Les solutions de long terme élaborées par la mission Aribaud-Vignon sont supposées être parallèles « aux solutions d’urgence actuellement mises en place à Calais pour renforcer l’aide humanitaire aux migrants et garantir l’ordre public ».
C’est un rapport très dense (plus d’une centaine de pages) sur une question à l’évidence complexe qui vient d’être remis au ministre de l’Intérieur. On peut en retenir le constat des défiances multiples qui séparent les acteurs de la situation à Calais (I) et les 8 perspectives d’action assorties de 17 propositions (II).

I. Des défiances multiples

« Au fur et à mesure de l’avancement de ses travaux, la mission a rencontré nombre de défiances, comme par exemple :

  • la défiance des associations à l’égard des forces de l’ordre,
  • la défiance des associations ressentie par l’OFII,
  • la défiance des associations entre elles,
  • la défiance entre tel siège national d’association et ses instances régionales,
  • la défiance, réciproque, entre la mairie de Calais et plusieurs associations,
  • la défiance assez générale à l’égard des « No Borders », qui ne font pas confiance à grand monde,
  • la défiance des migrants à l’égard des autorités,
  • la défiance, qui ne date pas d’aujourd’hui, entre la France et l’Angleterre,
  • la défiance à l’égard des pays d’entrée en Europe,
  • la défiance, aujourd’hui, d’une partie de la population à l’égard des migrants. Certes, les signes de confiance existent et reposent le plus souvent sur la qualité des acteurs. Mais beaucoup reste à faire ».

II. 8 perspectives, 17 propositions

1. Mieux partager les responsabilités de l’asile

Proposition 1 : Changer de méthode dans les relations France / Italie : solidarité vs rigueur
Proposition 2 : Changer de méthode dans les relations France / Royaume-Uni : responsabilité vs rigueur

2. Améliorer l’accueil dans le Calaisis

Proposition 3 : Conforter le centre Jules-Ferry et ses abords dans leur vocation de premier accueil
Proposition 4 : Promouvoir l’interprétariat et la médiation culturelle
Proposition 5 : Instaurer une nouvelle gouvernance

3. Promouvoir l’accès à l’instruction de l’asile en France et en Europe

Proposition 6 : Confier au HCR une mission régulière de compréhension des motivations et des parcours des migrants
Proposition 7 : Créer dans le département du Pas-de-Calais un centre de mise à l’abri

  1. Mieux considérer les personnes vulnérables

Proposition 8 : Améliorer la prise en charge des migrants malades

« La mission estime indispensable de donner aux personnels de santé accès à la plate-forme d’interprétariat, de répondre à leurs demandes spécifiques de formation mais aussi de veiller aux conditions de fonctionnement de la PAS et d’envisager la réservation de quelques lits, destinés à permettre à des migrants de vivre dans des conditions sanitaires convenables les suites immédiates d’une opération ou d’une maladie aigüe »

Proposition 9 : Adopter des mesures spécifiques pour les mineurs isolés

« Les mineurs isolés doivent faire l’objet d’une attention particulière en ce qui concerne les demandes d’asile présentées par la France au Royaume-Uni (proposition 2). L’amélioration des relations des mineurs isolés avec leurs référents doit s’appuyer sur les médiateurs culturels. Les travailleurs sociaux en charge des mineurs devront bénéficier d’une formation dispensée par l’EASO. Le développement des relations entre les ONG britanniques spécialisées et les structures de Saint Omer et Calais devrait être encouragé afin d’établir, autant que possible, un contact avec les familles concernées. Considérant les difficultés que rencontrent les associations face à des « groupes de mineurs » fermés à tout dialogue et incontrôlables, elle préconise d’envisager, en dernier ressort et dans « l’intérêt supérieur de l’enfant », le placement en internat ou milieu semi-fermé ».

  1. Mettre en œuvre un dispositif adapté aux personnes ne relevant pas de l’asile ou ne pouvant pas bénéficier d’un titre de séjour

Proposition 10 : Appliquer les mesures d’éloignement et de retour

« La mission recommande de placer systématiquement en CRA les migrants interpellés suite à deux tentatives infructueuses de passage et de procéder à l’éloignement ou au transfert lorsqu’ils sont possibles. Consciente de la nécessité de conserver sa valeur à la protection internationale, elle considère l’application de ces mesures particulièrement justifiée pour les déboutés du droit d’asile ».

Proposition 11 : Clarifier la situation des personnes qui ne peuvent pas être éloignées

« La mission propose que, dans les situations où un étranger ne peut ni bénéficier d’une protection, ni être éloigné, il lui soit attribué, au titre de l’article L 313-14, un titre de séjour temporaire, adapté et assorti des conditions suivantes : - assignation à résidence pendant une période probatoire ; - apprentissage de la langue française ; - acceptation d’un contrat de travail sur des emplois que Pôle Emploi ne parvient pas à pourvoir depuis au moins 6 à 9 mois ; - non prise en compte du séjour couvert par ce titre dans l’examen ultérieur des possibilités de regroupement familial ».

  1. Se donner les moyens de mettre en œuvre une politique innovante et complexe

Proposition 12 : Expérimenter un opérateur unique à Calais

« La mission recommande d’expérimenter, sur le territoire correspondant à l’arrondissement de Calais et sous pilotage préfectoral, la création d’un opérateur unique (DGEF, préfecture, sous-préfecture, OFII, PAF), auquel serait étroitement associée une antenne locale de l’OFPRA afin de favoriser la mise en œuvre d’une politique globale intégrant les fonctions d’accueil, d’information, de gestion des dossiers d’asile, de retour, d’éloignement et de réadmission ».

  1. Faire de la lutte contre les filières une priorité nationale et européenne et dissuader l’utilisation clandestine des camions par les migrants

Proposition 13 : Réviser la politique pénale locale, lui donner les moyens appropriés et revitaliser les lieux de concertation

« La mission recommande de réviser la politique pénale locale, afin de mieux sanctionner les infractions de tous ordres (passeurs, migrants ou « No Borders ») et de répondre aux besoins de sécurité de la population locale. Elle a pris note avec grand intérêt des nouvelles orientations développées lors du dernier comité de pilotage par la procureure générale. Elle propose aussi de revitaliser l’instance de veille départementale dédiée à la sécurité sous la responsabilité de la préfète et de la procureure générale, nonobstant les décalages territoriaux que les intéressées ont, d’ores et déjà accepté, de ne pas mettre en avant. Elle suggère que soient désignés au sein des unités de police des correspondants dédiés à l’entretien de relations confiantes avec les associations afin de faciliter la communication sur les violences subies par les migrants ».

Proposition 14 : Mettre en échec les filières de passeurs en ayant recours à la procédure de collaborateur de justice

« Les dispositions de la loi du 9 mars 2004, qui permet le recours à la procédure des collaborateurs de justice devraient être étendus à la répression des réseaux organisés de passeurs. Les migrants acceptant de coopérer devraient bénéficier d’une protection et de mesures de réinsertion, pouvant aller jusqu’à l’octroi d’une nouvelle identité. La mission propose que ces dispositions soient examinées en concertation avec nos partenaires dans le cadre de la révision, en 2016, du cadre européen de coopération juridique pour la répression des filières et des trafics, impliquant les agences Frontex, Europol et Eurojust. De plus, et sur base du plan d’action proposé en mai dernier par la Commission européenne, la France et le Royaume-Uni pourraient décider de mobiliser conjointement les ressources des agences Europol et Eurojust, en ciblant particulièrement la détection des avoirs financiers accumulés par les réseaux opérant le long du flux secondaire ».

Proposition 15 : Réguler l’accès aux vecteurs de transport afin d’empêcher la pénétration dans les camions

« La mission propose qu’une mission IGA/CGEDD soit mandatée afin d’étudier la faisabilité d’une régulation amont du trafic routier de marchandise avec les opérateurs des liaisons transmanche et avec les fédérations de transport routier, prenant en compte l’impact sur la dispersion du flux secondaire de migrants en France et en Europe ».

  1. Inscrire Calais dans la perspective d’un véritable espace commun européen de l’asile

Proposition 16 : Élargir à un groupe pionnier l’application « solidaire » de Dublin III

« Tenant compte de l’initiative conjointe franco-italienne (Cf. proposition 1) et, le cas échéant, franco-britannique (proposition 2), un groupe de pays pionniers pourrait décider de mutualiser une partie des demandes d’asile reçues sur leurs territoires respectifs et relevant du flux secondaire émanant de l’Italie. À cet effet, ils auraient recours aux possibilités de prise en charge, résultant de l’application de l’article 17 ou d’une interprétation extensive des articles 8 à 11 ou 16 du règlement de Dublin. Ces accords, conclus pour une durée d’un an, manifestent une solidarité de principe avec l’Italie (anticipation de la relocalisation) ou d’autres pays de premier accueil en grandes difficultés, en fonction des capacités de chaque État. Ces États membres signeraient, le cas échéant, avec l’Italie des accords du type de l’accord francoitalien (Cf. proposition 1). Ils pourraient aussi signer des accords bilatéraux de réadmission (Cf. proposition 2) ».

Proposition 17 : mettre en place avec le HCR un processus pérenne de réinstallation

« La mission soutient la position de la Commission européenne et du HCR en faveur d’une approche européenne raisonnée de réinstallation pérenne. Elle suggère que les critères proposés à la négociation portent non seulement sur la répartition des réfugiés entre les 28 États de l’UE, mais aussi sur celle des nationalités accueillies, en souhaitant qu’une proportion suffisante de Soudanais et d’Erythréens soit prise en compte. Elle recommande au Gouvernement qu’un lien soit établi, avec un engagement actif de la France dans le processus de Khartoum. Elle recommande qu’un lien de coopération organique soit établi entre les directions compétentes du Ministère des Affaires étrangères et de l’Intérieur, pour que les positions de la France, en particulier dans la Corne de l’Afrique, tiennent compte de la dimension migratoire ».

La synthèse du rapport Aribaud-Vignon

Synthèse Rapport_Aribaud Et Vignon

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