Mesures de sûreté et peines au sens de la CEDH

"Mesures de sûreté" et "peines" au sens de la CEDH : Les mesures de sûreté imposées à une personne reconnue pénalement irresponsable ne sont pas des peines au sens de la Convention (CEDH, Berland c. France, 3 septembre 2015)

L’arrêt Berland c. France intéresse une question qui a fait l’objet d’un important débat législatif, constitutionnel, doctrinal et même de la part de la "Conférence de consensus" convoquée par la garde des Sceaux C. Taubira à son arrivée à la Chancellerie (Libertés et droits fondamentaux, p. 596 et suivantes).

Voici le syllabus de l’arrêt de la CEDH publié par le greffe de la Cour :

Dans son arrêt de chambre, rendu ce jour dans l’affaire Berland c. France (requête n° 42875/10), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :
Non-violation de l’article 7 § 1 (pas de peine sans loi) de la Convention européenne des droits de l’homme.
L’affaire concerne le prononcé de mesures de sûreté, instituées par une loi du 25 février 2008, à l’encontre de M. Berland, déclaré pénalement irresponsable, pour des faits d’assassinat commis avant l’entrée en vigueur de cette loi. M. Berland se plaint ainsi du prononcé de « peines » que son état mental ne lui faisait pas encourir sous l’empire de la loi ancienne applicable à la date à laquelle les faits ont été commis.
La Cour observe que les mesures de sûreté n’ont pas été ordonnées après la condamnation du requérant pour une infraction mais à la suite de la déclaration de son irresponsabilité pénale. Ces mesures (interdiction pendant vingt ans d’entrer en contact avec les parties civiles et de détenir une arme) doivent s’analyser comme des mesures préventives, et non punitives, auxquelles le principe de non-rétroactivité énoncé dans l’article 7 § 1 n’a pas vocation à s’appliquer.
Cette affaire se distingue de l’affaire M. c. Allemagne, à plusieurs égards, notamment :

  • elle ne concerne pas des mesures de sûreté imposées à des personnes condamnées à une peine de réclusion criminelle et qui présentent à la fin de l’exécution de leur peine une dangerosité particulière. C’est le premier volet de la loi du 25 février 2008 qui traite de cet aspect – l’affaire Berland concerne le second volet de cette loi.
  • dans l’affaire allemande, la Cour a estimé que la détention de sûreté s’analysait comme une « peine », à laquelle l’article 7 § 1 trouvait donc à s’appliquer. La Cour a estimé que cette mesure, ordonnée après une condamnation pour tentative de meurtre et vol qualifié, et étant l’une des plus sévères qui puissent être infligées en vertu du code pénal allemand, devait être qualifiée de peine (*).

Elle a également pris en compte le fait que M. M. se trouvait dans une prison ordinaire, ce qui n’est pas le cas de M. Berland, qui a été placé dans un centre hospitalier spécialisé.

Berland Contre France : mesure de sûreté et peine

0 Partages
Tweetez
Partagez
Partagez
Enregistrer