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Migrants : Victor Pereira, extrait de l’entrée Migrations du Dictionnaire encyclopédique de l’Etat, Berger-Levrault, 2014, p. 622-629.
« (…) L’Europe n’a pas le monopole des murs. Depuis la chute du mur de Berlin en 1989, célébrée comme une victoire du capitalisme et de la démocratie libérale, 18.000 kilomètres de murs ont été construits (ou ont eu vocation à l’être) à travers le monde. Ils prétendent limiter l’immigration clandestine et maintenir à l’écart certaines populations jugées dangereuses. La construction d’un mur est devenue pour des dirigeants la panacée pour rassurer l’opinion publique.
Le blindage de la frontière entre le Mexique et les États-Unis démontre comment dans un même mouvement les frontières peuvent à la fois être ouvertes et fermées. Le Canada, le Mexique et les États-Unis ont signé en 1994 le North American Free Trade Agreement (NAFTA) qui instaure une zone de libre échange entre les trois pays. Néanmoins, la libre circulation des travailleurs n’est pas incluse dans l’accord alors que le Mexique et les États-Unis connaissent d’intenses flux migratoires – légaux et illégaux – depuis près d’un siècle. En 2005, 11 millions de Mexicains vivaient aux États-Unis. En dépit de cette situation de fait, de l’interdépendance des économies des deux pays, des besoins en main-d’œuvre américains en travailleurs mexicains, des multiples effets pervers de la fragilisation des migrants, les États-Unis continuent de fermer la frontière avec le Mexique et renforcent sa surveillance. A partir de 2006, un mur est construit sur une partie de la frontière mexicaine et les moyens engagés pour empêcher l’immigration clandestine (hommes, véhicules, caméras) sont accrus. La frontière n’est cependant pas imperméable et les clandestins continuent d’entrer aux États-Unis au péril de leurs vies.
Au cours des premières années du XXIe siècle, les frontières sont blindées, des camps de réfugiés et des centres de rétention accueillent des milliers de migrants. Une partie de la population mondiale, confrontée aux guerres, à la misère, aux famines, aux effets du changement climatique, est condamnée à l’errance, au confinement, à la mort, à la vulnérabilité (Agier, 2013).
Les migrations internationales, qui sont fortement surveillées avec les technologies les plus modernes, sont présentées par certains auteurs comme une menace pour l’État et illustreraient un supposé déclin de l’État. Cette hypothèse occulte toutefois la reconfiguration contemporaine des États qui se déchargent de certaines prérogatives pour préserver l’essentiel de leur pouvoir. Le contrôle et la surveillance des migrants indiquent plutôt la capacité des États à identifier les individus et à imposer leur monopole des moyens légitimes de circulation. Le pouvoir infrastructurel des États n’a jamais été aussi fort. De plus, l’immigration clandestine ne peut être réduite à un échec des États. Dans de nombreux pays, l’immigration clandestine sert la compétitivité des économies dans le contexte de la mondialisation : dans certains secteurs économiques, les employeurs ont à leur disposition un salariat vulnérable, aux droits réduits, à l’« affiliation bridée » (Chauvin, 2010, 47). Les migrations s’articulent du reste avec les stratégies de nombreux États de départ qui « transétatisent » leur action (Dufoix, 2010), accompagnant leurs ressortissants à l’étranger, développant une « politique du lien », veillant à assurer une représentation parlementaire à leurs émigrés. Les migrations permettent ainsi à certains États d’étendre leur puissance. La politique migratoire de la République populaire de Chine l’illustre. A partir des années 1970, la Chine tolère l’expatriation de sa population alors qu’elle interdisait l’émigration jugée néfaste. Désormais les « Chinois Outre-Mer », qui favorisent les exportations, sont considérés comme des piliers de l’influence mondiale du pays. Mais le cas de la Chine contemporaine n’est pas exempt de paradoxes : si les Chinois peuvent émigrer, les paysans des campagnes sont eux encore contraints de posséder un passeport interne – le Hukou – pour trouver un emploi en ville ».
Sommaire de l’entrée « Migrations »
I. Territorialisation du pouvoir et hostilité au mouvement
II. Identifier les individus, contrôler les mobilités
III. États, mercantilisme et migrations
IV. La « révolution des départs »
V. La rupture de la Première Guerre mondiale
VI. L’internationalisation de la gestion des migrations
VII. La douloureuse et imparfaite émergence d’un droit universel de la circulation
VIII. Les migrations au cœur des paradoxes des États contemporains
→ Mots clés : Asile – Étranger – Frontière − Identification – Liberté de circulation – Passeport – Réfugié – Nationalité – Souveraineté – Territoire [en gras : les entrées du Dictionnaire en rapport]
→ Bibliographie (…)