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Nationalité française : "Le livret du citoyen".
Le ministère de l’Intérieur a édité un "Livret du citoyen" (ci-après) qui est une sorte de "catéchisme républicain" à destination des candidats à la naturalisation.
Entre autres observations susceptibles d’être faites à propos de ce document.
- Ce document utilise l’expression "assimilation" (p. 2). Ce qui est remarquable ici c’est que cet usage est très ancré dans le lexique de l’administration alors que beaucoup d’acteurs politiques sont rétifs à l’utiliser. Beaucoup de circulaires administratives sur le traitement des dossiers de naturalisation en phase policière - les préfectures - parlent d’"assimilation", celle-ci étant vérifiée par l’agent de police traitant à travers notamment la vérification de la maîtrise de la langue française par l’impétrant.
On signale volontiers une intéressante thèse de doctorat en sociologie dont l’objet a précisément été le traitement administratif des demandes de naturalisation : "La République et ses autres. Politiques de la discrimination et pratiques de naturalisation dans la France des années 2000" (Sarah Mazouz). - Ce document indexe significativement l’histoire de France à l’histoire républicaine, y compris, et d’une certaine manière, à travers la référence au seul Henri IV pour la période XVIe-XVIIIe siècle.
- Pour le reste, on peut lire avec amusement certains choix faits par le ministère de l’Intérieur quant aux noms des "apports étrangers" dont "la France est riche". Par exemple la présence de telle actrice de cinéma et de télévision (Valérie Benguigui) plutôt que telle autre (Isabelle Adjani) dont l’identification à la France est mieux assise dans la mémoire française et à l’échelle internationale. Fallait-il vraiment convoquer Miriam Makeba en tant qu’"apport étranger" ? S’il est vrai que l’intéressée a été faite citoyenne d’honneur de la France, elle n’a pas moins été faite citoyenne d’honneur de nombreux autres pays. Peut-être aurait-il été d’ailleurs préférable de s’en tenir aux personnalités disparues et dont l’importance mémorielle a été tranchée par la postérité et renoncer à vouloir désigner des noms médiatiques contemporains.
Une absence est remarquable dans les noms cités par le Livret du Citoyen : Pablo Picasso. Pour cause sa demande de naturalisation, en 1940, fut rejetée et il n’en forma plus jamais.
PS. Lorsque M. Lassana Bathily, dont l’héroïsme avait été salué au moment des attentats de Paris de janvier 2015, fut naturalisé Français en récompense de cet héroïsme, l’Etat crut devoir lui offrir le livre d’Ernest Renan Qu’est-ce qu’une nation ? et un livre de photographie de Raymond Depardon. Autrement dit deux images d’Épinal de la France. Lors même que M. Bathily était réputé avoir eu un parcours scolaire. Il n’est pas certain que ces cadeaux eussent été choisis si le "héros de l’hypercacher de Vincennes" n’avait pas été Africain et n’avait pas correspondu à la… représentation ordinaire du migrant Africain.
Le choix de Renan était proprement étonnant : offrir le livre de Renan à … un Français, même tout frais émoulu, était pour le moins paradoxal.