Qu’est-ce qu’un fiché S ?
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Qu’est-ce qu’un fiché S ?
L’ergonomie des « fichiers de police » en France est assez sophistiquée. D’autant plus :
- qu’un « fichier de police » tel que le « Traitement des antécédents judiciaires » (TAJ) est entretenu à la fois par la police judiciaire et par les parquets.
- que, concurremment, aux « fichiers de police » comme le TAJ qui sont intermédiaires entre « fichier de police » et « fichier judiciaire », il existe de nombreux fichiers relevant proprement des administrations policières (soit à l’échelle nationale, soit à l’échelle locale, parisienne en particulier). Exemple : les fichiers de sécurité publique.
Les personnes « fichées S ».
- il n’existe aucun fichier propre aux S ;
- les fichés S sont une sous-catégorie du Fichier des personnes recherchées (FPR) du ministère de l’Intérieur dont la création remonte à 1959. Sur le FPR, voir nos développements dans Libertés et droits fondamentaux . Les sous-catégories de ce fichier (21 en 2015) sont désignées par des lettres : fiches V pour les évadés de prison ; fiches M pour les mineurs en fugue, etc.
- Sont labellisés S dans le FPR, les personnes que les institutions policières publiques analysent comme étant SUSCEPTIBLES de menacer la sûreté de l’Etat ou de menacer la sécurité nationale.
« SUSCEPTIBLES ». L’un des malentendus contemporains sur les fiches S vient de là.
3.1. Dans les représentations de beaucoup, y compris des acteurs politiques, les fichés S sont des terroristes présumés. Problème, les fichés S ne le sont pas au titre d’infractions qu’ils sont supposées avoir commises (auquel cas ils seraient traités en police judiciaire) mais parce que le fichage permet aux institutions policières de pouvoir recueillir des informations sur les intéressés, à la faveur des contrôles d’identité auxquels ils peuvent se prêter. Pour ainsi dire, il y a de nombreux fichés S qui :
- ne sont pas susceptibles d’être poursuivis pour terrorisme ;
- ne sont pas, lorsqu’ils sont de nationalité étrangère, susceptibles d’être expulsés (sur les étrangers non-expulsables, voir nos développements dans Libertés et droits fondamentaux )
3.2. Le système joue théoriquement dans un double sens :
- les policiers ou les gendarmes qui font un contrôle et qui réalisent qu’ils ont en face d’eux un fiché S, doivent fouiller ses bagages, consigner ce qu’ils peuvent y avoir identifié de « signifiant », etc.
- les policiers ou les gendarmes qui font un contrôle et qui réalisent qu’ils sont en présence d’un fiché S doivent faire enregistrer par le fichier toutes informations utiles (habillement, personnes accompagnantes, éléments vus dans les bagages, etc.).
3.3. Le système a donc constitutivement quelque chose d’aléatoire, ce que ne comprennent pas tous ceux qui s’imaginent que tous les fichés S sont « suivis 24h sur 24 » :
- le fichage S est fondamentalement lié aux déplacements des intéressés, soit le principe même d’un fichier des personnes recherchées ;
- un fiché S peut très bien faire l’objet d’un contrôle d’identité de police administrative « de routine » sans être identifié par ses contrôleurs comme étant fiché S, puisque les policiers et les gendarmes n’ont accès à cette information qu’à la faveur d’une vérification d’identité et que cette vérification n’est faite dans le cadre d’un contrôle de police administrative que pour des raisons exceptionnelles.
Le fichage S n’est donc pas l’objet magique que beaucoup imaginent : suivre les circulations d’un individu n’est pas suivre ses faits et gestes. Et l’Etat le sait bien puisque ce fut l’une des justifications de la (re)création en catimini du renseignement territorial après la création de la DGSI.
© Libertés et droits fondamentaux, Berger-Levrault.